Vidéosurveillance à Nogent : peut mieux faire

videosurveillance« La CNIL est venue 2 fois contrôler notre dispositif, et il va au-delà des normes requises ». C’est ainsi que le maire de Nogent-sur-Marne, ainsi que le chef de la police municipale, ont à plusieurs reprises répondu à des citoyens qui les interpellaient sur le sujet de la vidéosurveillance lors de rencontres de quartier.

Notre projet de réaliser un audit citoyen du dispositif de vidéosurveillance est parti de cette affirmation. En effet, pourquoi la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés, en charge notamment de la vérification des systèmes) aurait-elle eu besoin de venir deux fois si tout était correct ? Lorsqu’une personne se rend à une contre-visite suite à un contrôle technique automobile, n’est-ce pas qu’il y avait un problème ? Le secret relatif qui a toujours tourné autour des problématiques de sécurité en général, et de la vidéosurveillance en particulier ont toujours attiser notre curiosité.

Le contrôle citoyen : une nécessité

Nous avons donc élaboré un protocole de vérification de la conformité du dispositif de vidéosurveillance de la commune. La méthode utilisée est celle du contrôle financier, un membre actif de notre association étant familier avec ce type de procédure. Nous avons commencé à rassembler des informations sur le sujet dès la création de notre association en 2014.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce type de projet est à la portée de tous. En effet, nous avons effectué ce contrôle citoyen sur la base de constats de terrain et de documents obtenus comme la loi l’autorise (pour être totalement honnête, ce n’est pas toujours aussi simple).

Si tous les citoyens exerçaient ce pouvoir de contrôle, les pratiques politiques n’en seraient-elles pas que meilleures ?

 

Installation de caméras en 2012

Installation de caméras en 2012

Petit historique

La mise en place de la vidéosurveillance sur la voie publique a été votée en 2010 et la 1ère tranche du déploiement a commencé à être exploitée en 2011.

Le dispositif compte maintenant 90 caméras partagées entre les parkings et la voie publique.

« Il est possible de consulter à loisir l’ensemble de ma vie personnelle »

En 2012, un habitant de la commune, inquiet d’avoir une caméra devant la fenêtre de son logement, demande à avoir accès aux images, comme le lui permet la loi. Bien lui en a pris, puisque les caméras ne comportaient pas le masquage réglementaire et les caméras filmaient… l’intérieur de sa chambre à coucher. Il décide donc de saisir la CNIL, responsable des contrôles concernant la vidéosurveillance.

videoCNIL : visite et contre-visite

La CNIL a donc contrôlé l’ensemble du dispositif en mai 2012, et est revenue en juin 2012 afin de vérifier que les mesures appropriées étaient mises en place.

Le dispositif présentait des failles majeures dans de nombreux domaines (voir le rapport) : masquage incomplet pour de nombreuses caméras, failles de sécurité, conservation d’images au-delà du temps réglementaire.

Comment en est-on arrivé là ?

La commune s’est faite aider dans sa démarche de mise en place de la vidéosurveillance par des consultants « experts » sur le sujet. Elle a fait l’acquisition de caméras dont le nombre de masques par caméra était limité à 8, ce qui est nettement insuffisant pour une commune urbaine dense comme Nogent-sur-Marne. La société qui produit les caméras a ensuite augmenté ce nombre de masques à 32, ce qui semble maintenant permettre de couvrir les besoins.

Le plus étonnant est que la préfecture a effectué une visite de contrôle du dispositif à sa mise en route et n’a rien décelé. De la même manière, la société qui a installé les caméras aurait dû signaler (si elle ne l’a pas fait) le problème. Enfin, le cahier des charges de l’appel d’offre n’a pas été suffisamment précis pour pouvoir déceler que les caméras choisies ne pouvaient, à l’époque, pas être utilisées conformément à la loi sur le territoire français, le nombre de masques étant trop restreint et ce, malgré l’assistance des consultants spécialisés.

Un comité d’éthique, c’est joli

Le comité d’éthique mis en place en 2011 dont la première (et pratiquement seule) activité a été d’élaborer une charte d’éthique (inspirée de celle de Bourges) qui ne fait principalement que récapituler la loi et ne donne qu’un pouvoir symbolique au comité.

Ce dernier n’a d’ailleurs pas usé du peu de pouvoir qu’il possédait. Comment aurait-il pu, dans la mesure où la majorité de ses membres sont liés au maire de la ville d’une manière ou d’une autre (relation d’affaire, relation hiérarchique, soutien officiel aux municipales, etc.) et qu’il n’y avait aucun moyen pour les citoyens de le contacter ?

On comprend mieux en lisant cela les raisons pour lesquelles la Ligue des Droits de l’Homme refuse de siéger dans ces comités, ne souhaitant pas servir de caution à un mode de fonctionnement défaillant.

Pour illustrer l’importance donnée à ce comité « éthique », l’adjoint à la sécurité de la commune s’est rendu compte de manière fortuite que ce comité n’existait plus et qu’il fallait le recréer… en janvier lorsque nous avons sollicité son président afin de le rencontrer !

En conclusion…

Si le choix de mettre en œuvre un dispositif de vidéosurveillance relève d’une décision politique, il appartient à tous de contrôler le cadre dans lequel il est utilisé. En effet, le cadre réglementaire, si respecté, permet est en théorie suffisant.

L’idée des comités d’éthique est bonne sur le papier dans cet esprit de contre-pouvoir, mais la réalité semble indiquer qu’il faudrait les organiser afin qu’ils puissent réellement jouer leur rôle. C’est la raison pour laquelle une des recommandations de notre rapport d’audit s’adresse à la CNIL afin de lui demander de travailler à la création d’un cadre pour que ces comités puissent être de véritables contre-pouvoirs, garants de nos libertés publiques et individuelles.

Reste également le problème de la surveillance des surveillants…

Prochaine étape : l’évaluation du rapport coût/bénéfice

La Cour des comptes, dans un rapport publié en 2011, indiquait :

L’absence, en France, de toute évaluation rigoureuse de l’efficacité de la vidéosurveillance de la voie publique est une lacune dommageable, notamment au regard du montant des dépenses publiques engagées.

La commune de Nogent-sur-Marne ne dérogeant pas à cette règle, nous allons travailler sur ce point précis dans un futur proche, sur la base des statistiques de la criminalité que nous avons publiées récemment ainsi que de documents complémentaires que la commune refuse de nous communiquer, et pour lesquels nous avons été contraints de saisir le tribunal administratif.

Affaire à suivre.

Pour aller plus loin :

 

Le rapport de notre audit publié le 16 juin 2015

Article sur notre démarche paru sur le site Rue89 le 16 juin 2015

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