Filmer les débats du conseil municipal, un droit ou un délit ?

Article d’Anticor 94 en date du 30 octobre 2012 suite à la polémique suscitée par la mise en place de l’enregistrement par un conseillé municipal.

Commençons par la mauvaise attitude. Le lundi 15 octobre 2012, le conseil municipal de Nogent sur Marne s’était réuni pour délibérer sur les affaires de cette charmante ville située en bord de Marne. Mais celui-ci n’a duré que quelques minutes puisqu’il a été annulé illico presto par le maire Jacques Jean-Pierre Martin (Sans Etiquette). En effet, un opposant s’était mis dans la tête de filmer les débats sur un point de l’ordre du jour pour les diffuser ensuite sur internet. Il en avait averti le maire au préalable, mais celui-ci avait rejeté cette initiative, considérant qu’il fallait en débattre d’abord au conseil municipal et qu’elle soit approuvée par un vote.

Mais l’opposant, Marc Arazi (UMP dissident) n’en fit qu’à sa tête et installa sa caméra face à Monsieur le maire en indiquant toutefois qu’il ne diffuserait pas l’enregistrement sans l’accord de la CNIL (Commission nationale informatique). En effet, le maire exigeait qu’avant toute prise de vue l’opérateur en demande l’autorisation à la CNIL, ce qui n’est d’ailleurs pas prévu, à notre connaissance, dans le code des collectivités territoriales.

Le maire sur de son bon droit, fit donc procéder à un vote pour accorder ou non l’autorisation à Marc Arazi d’enregistrer une partie des débats. Sur les 37 conseillers municipaux, courageusement 35 d’entre eux votèrent contre, seul un conseiller municipal William Geib (PS) soutint Marc Arazi.

Néanmoins Marc Arazi s’appuyant sur l’article L2121-18 du code des collectivités locales (1) persista dans sa démarche, ce qui eu pour conséquence de faire suspendre la séance sur l’injonction du maire.

Il faut savoir, que cette controverse a déjà eu lieu dans différents municipalités mais que finalement le droit de filmer a été reconnu. Et pourquoi n’en serait-il pas ainsi ? Les débats sont publics et les conseillers municipaux sont des personnages publics avec tout ce que cela comporte comme avantages mais aussi comme contraintes. Le fait d’être filmé pendant le conseil municipal pourrait être considéré par certains comme faisant partie de ces contraintes.

Et nous en venons donc à la bonne attitude qui consiste justement à diffuser les débats sur internet ou tout autre support. C’est ainsi les conseils municipaux de la ville de Fontenay-sous-Bois sont diffusés depuis un certain temps sur le site internet de la ville. Nous tenons à féliciter le maire communiste Monsieur Jean-François Voguet pour cette initiative heureuse.

En conclusion, il faudrait une bonne fois pour toutes, faire en sorte que le code des collectivités locales soit plus tranché sur cette question de la diffusion audio-visuelle des débats publics des collectivités locales (3).

 

 

(1) Article L2121-18

Créé par Loi 96-142 1996-02-21 jorf 24 février 1996

Les séances des conseils municipaux sont publiques. Néanmoins, sur la demande de trois membres ou du maire, le conseil municipal peut décider, sans débat, à la majorité absolue des membres présents ou représentés, qu’il se réunit à huis clos.

Sans préjudice des pouvoirs que le maire tient de l’article L. 2121-16 (2), ces séances peuvent être retransmises par les moyens de communication audiovisuelle.

(2) Article L2121-16-Créé par Loi 96-142 1996-02-21 jorf 24 février 1996

Le maire a seul la police de l’assemblée. Il peut faire expulser de l’auditoire ou arrêter tout individu qui trouble l’ordre. En cas de crime ou de délit, il en dresse un procès-verbal et le procureur de la République en est immédiatement saisi.

(3) Suite à une question posée en mai 2005 par la députée UMP Mme Zimmermann, le Ministre de l’Intérieur de l’époque a répondu : « En vertu des pouvoirs de police de l’assemblée qu’il tient des dispositions de l’article L. 2121-16 du code général des collectivités territoriales, il appartient au maire de prendre les mesures propres à assurer le déroulement normal des séances du conseil municipal. Le principe de publicité des séances posé par l’article L. 2121-18 du même code, qui a conduit le législateur à prévoir la retransmission des séances par les moyens de communication audiovisuelle, fonde le droit des conseillers municipaux comme des membres de l’assistance à enregistrer les débats. Ce droit reconnu par la jurisprudence administrative a conduit les juges à considérer comme illégale l’interdiction par le maire de procéder à un tel enregistrement dès lors que les modalités de l’enregistrement ne sont pas de nature à troubler le bon ordre des travaux de l’assemblée communale (CAA de Bordeaux, 24 juin 2003 n° 99BX01857; CE, 2 octobre 1992, commune de Donneville ; CE, 25 juillet 1980, M. Sandre). » Une position ministérielle confirmée au Sénat en décembre 2008 lors d’une réponse à une question du Sénateur Jean-Louis Masson. En l’espèce, la position ministérielle, confortée par la jurisprudence, autorise tout citoyen à filmer une séance du Conseil Municipal.

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